Würm, l’âge farouche de nos ancêtres

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un jeu (trop) méconnu : Würm, de Manu Roudier, édité chez Icare. Autant vous le dire avant de commencer : j’adore.
Et je tiens bien à vous dire pourquoi et vous convaincre de l’essayer ! 😉

w01

Le contexte

C’est au cœur de « la glaciation de Würm » il y a 35 mille ans, âge préhistorique de l’humanité, que se plante le magnifique décor du jeu. Des terres sauvages, immenses et dangereuses où nos ancêtres marchaient aux côtés des puissants mammouths, bisons, ours et des redoutables lions à dents de sabre.

Vous incarnez un homme long (homme de Cro-Magnon), ou un homme ours (homme de Neandertal), dans des chasses périlleuses et quêtes mystiques. Bravez les contraintes d’un climat difficile. Explorez des cavernes sombres et des terres sauvages.

Affrontez des créatures puissantes, parfois mystérieuses et honorez vos ancêtres ! Craignez leur courroux et celui l’esprit protecteur de votre tribu ! Survivez et emmenez votre clan vers l’abondance et l’élévation spirituelle.

Ça donne pas envie tout ça ? 🙂

Notez que le livre n’est absolument pas un livre d’histoire. La documentation se fait de façon extrêmement agréable, à travers une lecture à la fois sérieuse mais légère : on nous apprend beaucoup de choses, sans aller trop loin.

Bref ça pique bien dans le vif du sujet et ne rend pas le thème trop lourd. Une fois la lecture terminée, vous en saurez plus pour épater vos potes autour d’un verre, et de mener une partie sans aucun problème.

Le système de jeu

corbeau, un chaman de tribu
Un puissant chaman

Tout est basé sur quelques D6. La mécanique est extrêmement simple et très fluide, qui ne fruste personne. Que demander de plus ? =)

Dans Würm, on part du principe que pour la survie de tous, tout le monde apprend à tout faire : tailler un silex, chasser, cueillette etc. Les PJ peuvent donc lancer 2D6 dans tous les domaines. On les lance, additionne le tout pour atteindre un seuil de difficulté (très facile : 3 ; modéré : 7 ; très difficile : 12). Il est bien entendu possible d’augmenter cette base de 2D6 grâce aux forces, et à l’inverse : les faiblesses (voir création de personnages). Bref un système où tout le monde peut participer.

La manne :

Lors des moments difficiles, vous pouvez faire appel à votre esprit protecteur. Cela vos octroie des D6 bonus pour résoudre une action ou augmenter des dégâts. Là où je trouve le système ingénieux, c’est qu’il est très lié au contexte mystique dégagé par le jeu : si vous abusez de la bienveillance de votre esprit tutélaire, sans lui faire d’offrande ou de rituels, vous pouvez subir son terrible courroux, voir une malédiction. Et je trouve ça juste génial pour l’immersion.

La magie :

Clairement dans le domaine du chamanisme (ou animisme), les rituels et esprits rythment la vie des hommes de Würm. Le chamanisme est très courant et chaque tribu à ses rites et secrets. Il existe même des créatures dites mystiques (Il y a des licornes! Des licornes bon sang! Des vraies!). Les plus puissants chamans peuvent se changer en animaux, voir en demi-animal, et invoquer des esprits.

Le jeu propose aussi de jouer sans magie, peut-être pour coller plus à la réalité, mais je trouve ça un peu dommage.

Illustration issu d'une BD de l'auteur : Vo'houna
Illustration d’une BD de l’auteur : Vo’houna

La création de personnage

Hyper rapide et intuitive : en fonction de votre tribu, vous serez soit un homme-long, soit un homme-ours.

Cela vous apporte différentes forces: homme-long vous devrez choisir entre « Vitesse du cheval » ou « Habilité des ancêtres » (artisanat, en gros), homme-ours entre « Cœur de glace » (résistance à la douleur) et « Force de l’ours ». Mais cela détermine aussi vos points de vie : un homme de Neandertal est plus robuste et disposera de plus de point de vie, à l’instar les hommes-longs ont un plus grand accès aux techniques d’artisanats, de par leurs cultures plus « riche ».

Ensuite, vous pouvez choisir 2 autres forces « gratuitement » au choix dans une liste très intéressante (« Douceur de la loutre » reste ma préférée!). Vous pouvez en prendre une 3ème et 4ème, mais contre une/deux faiblesse(s). Et dans un monde aussi dangereux, une faiblesse peut vous couter la vie.

Ensuite, le MJ va vous donner les détails sur votre tribu, ou la créer avec vous, avec votre esprit tutélaire. Et vous voilà prêt pour l’aventure.
Rapide j’avais dit 😉

À noter aussi : des talents et des savoirs secrets rassemblent les capacités qu’un personnage n’est capable de mettre en œuvre qu’après avoir reçu une initiation, comme la peinture, le chamanisme ou certaines techniques de combat. Le jeu propose également de jouer des enfants, rien de mieux pour démarrer une histoire de PJ !

La gamme

Je dois avouer avoir été particulièrement chanceuse. En effet, déjà séduite par Würm après diverses illustrations et critiques, j’ai réalisé que les livres étaient en rupture de stock PARTOUT, même site de l’éditeur. La tristittude en somme.

Je décide de mater du côté des occasions où je tombe sur des prix exorbitant (vu la rareté de l’objet…) comme 60€ le livre au lieu de 32,50€. Dur. Et là je trouve le livre de base quasiment neuf à 30€ : le Graal ! Je commande, et je me retrouve avec un colis plus gros que prévu contenant toute la gamme.

Gentillesse du vendeur ou bien débarra? Dans tous les cas il a fait ce jour-là le bonheur d’une rôliste 3

Étalage de la gamme
Photo by Saphie

La gamme comprend :

  • Le livre de base
  • Le MAGNIFIQUE écran de MJ (gros coup de cœur)
  • Le 1er supplément « La voix des ancêtres »
  • « La voix des ancêtres » n°2, sur le cannibalisme
  • Un bloc de feuilles de personnage

On peut compléter l’univers en se procurant les BD de l’auteur/illustrateur comme Vo’hounâ, ou d’autres sur le même thème afin de s’inspirer des scénarios. Mais vous verrez que Würm vous en fourni, largement.

Würm : Le livre de base

Une petite nouvelle ouvre cet ouvrage en couverture rigide. Les illustrations sont nombreuses, magnifiques et en couleur. Après la petite histoire, on nous explique ce qu’est le «  Würm « .

Puis viens la création de personnages, très simple où l’on nous présente les peuples des Hommes Longs et des Hommes Ours avec leurs forces associées, leurs différences et leur interprétation en jeu. Puis s’ensuit une liste de force et faiblesse avec leurs effets ainsi que la notion de prestige (sorte de reconnaissance au sein de la tribu qui augmente en fonction de vos actes durant vos aventures), qui vous donnera des privilèges.

Sachez que si vous décidez de jouer une femme, vous pouvez avoir plusieurs maris, des enfants etc. Chose qui m’a vraiment interloquée et qui reflète vraiment bien la dureté de la vie en ce temps-là : l’accouchement. En effet, vous aurez environ 12 pv (maximum 18) pour survivre au lancer de … 6D6 ! o_O sans rire ! Une force « Protection de la renarde » vous permet de réduire ce jet ultra-violent à 4D6, Woot !

intérieur du livre de base
la maquette du livre est magnifique

Ensuite le système de jeu comme cité plus tôt. Les détails sont évidements bien expliqués notamment la construction de pièges, d’armes, de vêtements etc. le chapitre « Le combat et les périls » aborde les mécanismes plus complexes lors du combat: initiative, actions et la possibilité d’esquiver.

Il table ensuite les différentes armes, leurs dégâts, ainsi que les « protections » (très limitée, entre à poil ou en fourrure, en gros). Les effets des blessures, les soins et handicap sont également traités, de même que les dangers naturels.

Le chapitre suivant va nous renseigner sur les talents et savoir secret qui ne sont pas disponibles lors de la création de personnages. En effet ils ne sont accessibles que si le PJ se trouve un mentor en jeu. Très intéressant comme idée cela peut inspirer des phases d’éclipses rôle play pour chaque personnage.

Ces secrets couvrent différents domaines : le combat (des techniques redoutables), l’artisanat (pour fabriquer plus facilement et de meilleure qualité), le chamanisme (contact avec les esprits, exorcisme et transformation) et la sorcellerie (sorte d’herboriste qui fabrique onguents et breuvages).

Ensuite vous avez les règles sur la manne avant d’entrer dans un chapitre très contextuel où vous trouverez énormément d’information sur la vie au quotidien en ces temps reculés (la survie, les camps, le troc, la place des femmes, les modèles de société etc.).

S’ensuit un petit bestiaire qui couvrira largement vos besoins, il y a mêmes des licornes ! Des licornes bon sang ! (bon ça ressemble plus à un petit poney préhistorique avec une corne de Nerval, mais une licorne quoi !).

Vous aurez ensuite accès aux outils de MJ, ça surprend car rien ne signale que cette partie/fin du livre est réservée au Maitre du jeu. Donc attention, on peut se spoiler très facilement. Dans les outils mon préféré est un tableau « générateur de scénario » c’est très pratique si on manque d’inspiration. D’ailleurs on voit clairement avec lui que le fil d’idée principale reste la vie de tous les jours et péripéties, rien de très « épikness ».

Bref, le livre suffit largement à jouer, il est beau, agréable, ludique, bref, que du bon! Enfin il aurait mérité une plus jolie couverture quand même…

La voix des ancêtres n°1

Livré normalement avec l’écran, ce supplément est un recueil de scénarios. « Rouge massacre » présente une tribu d’hommes-longs et ses intrigues. « La colline de l’ocre » un scénario très léger mais qui est parfait pour une initiation en douceur. « Celle qui rôde » où les Pj devront résoudre un problème mais grâce à leur savoir moderne, dommage. « Le grand silence » un scénario plus complet, simple qui propose une tribu prête à jouer inspirante. Les scénarios ont tous à vocations d’être très (trop?) simple.

wurm-detail

La voix des ancêtres n°2

Beaucoup plus sombre que le n°1 ce supplément aborde un sujet très glauque : l’anthropophagie, un cannibalisme réservé à l’espèce humaine. Après un précis sur le sujet toujours instructif, on vous propose 3 scénarios. Le premier est basé sur le thème principal du supplément : « Pourquoi j’ai mangé mon ancêtre » ou les PJ jouent des enfants qui découvriront un terrible secret sur leur tribu lors de leur rite initiatique.

Le 2eme « Horreur dans les profondeurs » est clairement une histoire d’horreur fantastique, sur fond de chamanisme. Et enfin : « L’étrange quête des chasseurs d’étincelles », un scénario d’hommes-ours face à de sinistres hommes-longs.
Je suis bon public de Würm, et les scénarios m’inspirent beaucoup. Cependant j’aurais préféré que tous les scénarios soient basés sur le thème de l’anthropophagie.

L’écran de MJ

Sans conteste le plus beau que j’ai jamais vu. L’illustration reflète parfaitement ce que j’aime dans Würm : la préhistoire, le chamanisme et les secrets mystiques. Outre la qualité du dessin, le matériel est tout aussi agréable : en 4 volets rigides, vous trouverez au dos toutes les règles résumées dans des tableaux très rapides à consulter. En gros vous n’aurez pas besoin d’ouvrir le livre régulièrement en tant que MJ et ça, c’est vraiment cool !

Conclusion

Véritable coup de cœur, je déplore sa relative discrétion. J’aime le thème, j’adore la simplicité des règles, le fait qu’elles ne fruste personne en faisant participer tous les PJ à tout type d’actions, et l’immersion qu’elles procurent. Les illustrations sont justes magnifiques, un véritable plaisir de tourner les pages du livre 🙂

Les points négatifs de Würm seraient ses scénarios qui n’ont pas de grandes ambitions autres que de vous faire vivre le quotidien de nos ancêtres.

Du coup, on a l’impression que le jeu ne sait faire que de l’initiation. Un sentiment renforcé par le fait que la tribu/archétype des PJ change tout le temps en fonction de l’histoire. Même si certains sont adaptables, ce n’est pas le cas pour tous, ou alors on se sent obligé de faire une entorse au jeu.

J’ai créé une tribu pour mes PJs, mais j’ai beaucoup de mal à l’associer aux autres scénarios, je me vois mal demander à mes PJs de changer de personnage à chaque fois que j’en démarre un nouveau. Je dois tout le temps adapter les histoires, ce n’est pas tip top.

J’espère que la campagne disponible ici, saura corriger ce petit défaut. Mais au fond, ce défaut reste relativement léger: car tout le reste est bon à prendre et à faire jouer.

Après quelques parties au sein de l’association, je ne peux que noter la grande satisfaction de mes joueurs qui en redemandent ! Bon signe non ? J’espère vous avoir convaincus d’essayer ce jeu 🙂

Bref 18/20 pour moi ! _ Saphie