« Un Jdr qui sort dans Casus-Belli, est un jeu mort-né »

Ce billet est écrit par Saphie, souhaitant partager une réflexion qui peut amener à faire débattre sur la vie d’un jeu, en tant que produit. « Une réponse a été apporté à ce billet, lien en fin de l’article)
©Pexel

Cette phrase je l’ai entendu lors d’une convention virtuelle parmi les nombreuses qui ont eu lieu en 2020. Des événements incroyables, qui font un peu oublier que la crise sanitaire nous empêche de nous rencontrer entre joueurs, Maîtres de jeu, blogueurs, passionnés, éditeurs etc.

Cette phrase est mon unique mauvais souvenir de ces événements.

Contexte ? Eh bien je parlais simplement, dans un vocal Discord, de ce que j’avais édité. À ce jour je n’avais sorti que « Yenka ! » chez Casus, Blues Brotherhood était encore en cours d’écriture, et Corporate est toujours en standby chez l’éditeur. La seule réaction qu’a suscité cette information est la phrase titre de cet article. Mais ce qui m’a le plus marqué c’était les silences approbatifs des autres personnes présentes (vous savez les « hmm » ou « ouai » chuchoté, voilà).

Oh, je ne leur en veux pas. Vraiment. Sur le coup je me suis bien évidemment vexée. Je n’ai rien dit, je ravale toujours mon égo. J’ai appris que l’eau coule sous les ponts et emporte les mauvais sentiments pour, parfois, les transformer en questions intéressantes :

« Pourquoi avoir dit ça ? » et « pourquoi je ne suis pas d’accord ? »

À la première question j’ai une théorie, même si j’aurais aimé explorer la question avec la personne s’étant exprimée. Mais sur le coup, je m’étais tût et le sujet avait changé. Voici la théorie :

  • Un jdr qui est sorti dans un magazine serait « mort-né » car il ne serait plus édité par la suite. Se perdant ensuite dans la chronologie des numéros, avant de tomber dans l’oubli. Le jeu n’appartiendrait plus à son auteur et l’espoir d’en faire quelque chose de plus grand serait anéanti. De plus il manque de visibilité puisqu’il n’aura pas sa propre couverture et sera noyé parmi d’autres informations (articles, scénarios, critiques, tout ce que peux contenir un magazine).
magazine qui brûle
©Pexel
Et je suis ne suis pas d’accord.

Pour ce qui est de l’aspect « éphémère », je sais que c’est vrai. Mais c’est aussi une question de volonté : si l’on ne veut pas que son jeu tombe dans l’oubli il faut le faire jouer, le faire découvrir, et pourquoi pas en sortir une autre version, augmentée, qui lui permettrait d’avoir sa propre vie hors des pages d’un magazine.

Le manque de visibilité ? Je pense à Raoul, à Petits peuples aussi. Ainsi qu’à la portée (au sens distribution) et à la renommée que peut apporter un magazine pour un petit jeu sorti de nulle part d’une autrice « no-name » sur le marché. Ce n’est pas, selon moi, désavantageux pour le jeu de profiter d’un format magazine.

Car après tout combien de jeux de rôles sont sortis « solo » et ne sont plus édité, voir carrément oubliés ? C’est la même chose au fond. Le format dans lequel il sort n’est pas le problème.

La maternité du jeu perdue ? Lorsque j’ai signé il n’était indiqué nulle part que je perdais la maternité du produit. Rien ne m’empêche sur le papier de le faire grandir. Bien sûr je suis professionnelle (enfin, j’essaie) et j’en avertirais l’éditeur pour savoir si cela pose problème : notamment si je réutilise les textes qui ont été revus (corrections, ajout d’idées etc.). C’est normal : ce serait voler ce travail qui n’a pas été produit par moi. Les éditeurs ne sont pas aussi froid que certains peuvent le penser… Une simple discussion entre professionnels suffit en principe à tout arranger.

Rien n’empêche donc un jeu sorti en magazine de connaître une 2ème vie.

Est-ce que c’est le risque de ne pas rencontrer son public le problème ?

Je ne sais pas. Après tout on n’achète pas un magazine comme on achète un jeu. Mais le succès peut être au rendez-vous, ou vous pouvez rencontrer des gens qui vous donneront le feedback nécessaire pour en faire quelque chose de plus grand.

Alors s’il vous plaît, ne dites plus à un auteur/autrice, qui fait ses premiers pas dans le monde de l’édition, que sortir ses petits jeux dans un magazine c’est tuer ces derniers.

Bonne année à tous et toutes, qu’elle vous soit créative.

Saphie.

Edit : j’ai reçu la réponse de Jemrys, la personne à l’origine de cette phrase. Une réponse plus précise et détaillée que ma théorie, que je trouve fort intéressante tout comme sa conclusion 🙂

Je vous la partage car c’est un point de vue construit qui mérite d’être lu : https://www.sycko.fr/post/tempete-dans-un-gobelet-a-des