« Le mot liberté ne s’écrit pas avec de l’encre. Il s’écrit avec du sang. Si tu choisis d’être des nôtres, mon garçon, c’est que tu abandonnes volontairement ta sécurité, ta tranquillité, ta soumission aux lois et au politiquement correct. C’est ce que valent le cuir sur ton dos, le vent sur ton visage, le ronronnement de ta moto. C’est le prix de la liberté. Elle coûte cher… mais le crime paie bien. »
ONE% est un jeu de rôle publié en mars 2017 par Steve Goffaux, auteur belge, avec une nouvelle impression neuf mois plus tard. Le principe est de jouer les membres d’un gang de bikers onepourcentistes, c’est à dire hors-la-loi. C’est une référence à la fameuse statistique selon laquelle « 1% des bikers sont des hors-la-loi ». Le jeu comprend un supplément, Anarchy Worldwide, un recueil de campagne, et quelques goodies essentiels au jeu : la piste d’initiative et les cartes tattoo, qui sont joliment réalisées et sont très utiles au jeu et à sa fluidité.
Le livre est au format A5; le texte est léger, facile à lire, agréable et bien aéré. Le style d’écriture est dans l’esprit « racaille » sans verser dans la vulgarité inutile. Les illustrations sont blindées de cuir, de chrome et de tatouages et contribuent à une ambiance explosive.
L’univers
ONE% nous propose un univers contemporain, et en même temps légèrement différent du nôtre. Le livre de base assume de jouer aux Etats-Unis, cœur et origine de la culture biker en général et onepourcentiste en particulier, mais modifie les noms, certainement pour des raisons de droits d’auteur. Néanmoins, l’auteur a fait son boulot de recherche : la représentation des Motor Clubs (MC) y est précise et réaliste. Steve Goffaux indique en effet avoir travaillé à partir des témoignages d’anciens « Hell’s Angels » et « Bandidos ». Il reprend aussi le système pénal américain et les organisations criminelles classiques, qui pourront bien êtres les alliées ou ennemies du MC des joueurs. Si vous voulez en savoir plus sur cette culture biker, je ne peux que vous encourager à lire les récits et articles publiés à propos des grands Motor Club du monde réel, « Hell’s Angels » en tête. Je vous conseille également de voir la série « Sons of Anarchy » qui est une bonne représentation de ce qu’est un MC.
Les règles du jeu
Passons au système de jeu. Le personnage est représenté par une description et une somme de cartes Tattoo qui recensent ses traits en décrivant les tatouages qu’il porte. Pour faire une action, vous prenez 3 dés à 6 faces, vous ajoutez les « freins » (ou malus), et vous retranchez les « moteurs » (ou bonus). Une fois le jet fait, vous pouvez utiliser des cartes Tattoos qui conviennent pour en diminuer le résultat. Un 10 ou moins est un succès, un 5 ou moins un « turbo » (ou succès critique). Un jet en opposition va simplement ajouter en « frein » le trait le plus adapté du PNJ en face. Difficile de faire plus simple comme système de base.
C’est clair, facile à prendre en main et efficace. Le combat est différent de bien des systèmes classiques. Le score d’initiative sert aussi de « points de souffle« . En effet, le personnage en perd en effectuant des actions et en subissant des dommages non-létaux. Les cartes Tattoo représentent aussi les points de vie du personnage. Lorsqu’il subit une blessure grave, une de ses cartes Tattoo est mise hors-jeu jusqu’à guérison. Si toutes ses cartes Tattoo sont hors-jeu, c’est un aller simple au cimetière. Le système d’Obligations, de Respect et de Dettes encourage le joueur à prendre part à la vie du MC et à faire corps avec lui.
Histoires et polémiques
L’univers biker en général, et onepourcentiste en particulier, est notoirement macho, très hiérarchisé, et exclusiviste. Les MC sont généralement exclusivement masculins, se reposent sur une forme hiérarchique digne de l’armée, et sont souvent mono-ethniques. Ceux-ci trouvent en effet leur origine dans les vétérans des forces armées américaines, en particulier les aviateurs.
Forcément, un JDR basé sur l’univers onepourcentiste va reprendre ces éléments. De là à crier au facho, il n’y a qu’un pas. Certains, issus des milieux progressistes et SJW, n’ont pas hésité à le franchir lorsque ONE% a été annoncé, provoquant des polémiques autour de ce jeu. De telles polémiques, résultats du phénomène de massification du JDR rencontré ces dernières décennies, sont de plus en plus fréquentes, ayant pour cause l’importation dans le loisir du JDR des « luttes » idéologiques de la vie réelle.
Conclusion
Ayant fait face à ces polémiques, l’auteur a choisi d’y faire une concession pour la deuxième impression, l’inclusion d’un MC exclusivement féminin. Il rappelle aussi que, même dans un milieu aussi machiste que le monde des bikers, le « sexe faible » est loin d’être aussi faible qu’on le croit. Pour le reste, je me ferai simplement l’écho de l’avis de l’auteur : Ce JDR dépeint un milieu bien réel, et la réalité n’a pas de concessions à faire à l’idéologie. Il n’est pas fait pour tout le monde. Si l’univers décrit choque votre sensibilité, alors n’y jouez pas, mais n’empêchez pas ceux qui l’aiment d’y prendre plaisir.
Pour ma part, j’ai beaucoup aimé ce jeu. Le système est simple, rapide et nerveux, l’univers et l’ambiance sont respectés et fidèlement restitués. Les illustrations sont jolies et un peu racoleuses ; il y a du fanservice pour tout le monde ! Ce n’est pas forcément le meilleur jeu du monde (Pendragon occupe déjà cette place), mais il est classé très haut dans ma bibliothèque, pour sûr.
Suggestions de musique
Pour accompagner vos parties, une liste évidemment non-exhaustive : Blues Saraceno, Nick Nolan, Molly Hatchet, The Brothers Bright, Doc Holliday, Copperhead, Guns N’ Roses, Kansas, etc…
_Thierno